J’entends par éléments scripto-visuels institutionnels, tous les traitements des informations alliant texte et images, émis par les institutions publiques telles que la mairie ou encore le musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon. Il s’agira aussi d’étudier certains des éléments scripto-visuels semi-institutionnels, c’est-à-dire, ceux émis en partenariat avec les institutions publiques qui sont légaux mais proviennent d’autres acteurs.
Je prendrai à nouveau comme référence les cinq dimensions de l’habiter, pour caractériser les zones et ainsi, contextualiser les objets texte-images observés : se loger, travailler, se cultiver, se divertir et consommer.
Les formes textes-images institutionnelles, sont réparties dans toutes les zones de la ville de manière plus ou moins homogène, qu’elles soient résidentielles [1], culturelles [4], commerciales [3]/[6], de divertissement [4] ou de travail [5]. Cependant, dans certaines zones de divertissement comme les parcs, elles sont très peu présentes [2]. Les formes texte-images semi-institutionnelles [7] sont elles aussi dispersées dans la ville. Ainsi, les éléments scripto-visuels institutionnels et semi-institutionnels sont davantage réparties dans la ville que les éléments commerciaux mais apparaissent ponctuellement.
La communication visuelle établie par la ville concernant les entités publiques (musée, bibliothèque, vélocité…), informe la plupart du temps sur les événements ou actualités propres à ces lieux. Elle est majoritairement présente sous forme d’affiches ou d’écrans numériques. Ces affiches de 120 x 160 cm sont positionnées dans l’espace sur des panneaux d’affichage sur pied [1]/[3]/[5]/[6] mais aussi sur des colonnes Morris [4]. Il est possible de reconnaître les affiches consacrées à ces éléments scripto-visuels grâce à la mention « Ville de Besançon » qui est inscrite généralement dans le bas des formats. Les éléments scripto-visuels institutionnels sont plus ou moins visibles selon les zones où ils sont inscrits. En effet, dans les espaces commerciaux, ces éléments se confondent avec les publicités commerciales [3]. Au contraire, ce sont parfois les formes texte-images semi-institutionnelles qui occupent majoritairement l’espace par leurs échelles monumentale [7]. Il s’agit dans ce cas d’une fresque réalisée par l’association Juste Ici, c’est un projet soutenu par la ville de Besançon qui s’inscrit donc bien dans le cadre institutionnel étant donné qu’elle ne revêt pas un caractère marchand. Ces œuvres réalisées dans le cadre du festival Bien Urbain, constituent un parcours urbain qui suscite la surprise et invite les individus à se questionner dans leur quotidien.
Ainsi, certaines institutions publiques considèrent qu’il est bénéfique et légitime d’inscrire l’art dans l’expérience publique urbaine. C’est le cas de la ville de Besançon qui soutient le Festival Bien Urbain, art dans (et avec) l’espace public 7 , organisé par l’association Juste Ici. Ce festival débute en 2011, et « [aborde] nos lieux communs sous un nouveau regard ». Il vise à « donner une nouvelle place à l’art dans les mutations urbaines, pour prendre du recul sur l’évolution de nos lieux communs 6 ». Tous les ans, une quinzaine d’artistes internationaux investissent les rues, murs et parcs de Besançon et interviennent sur des supports différents tels que des façades, des panneaux d’affichages, des palissades en concevant des peintures murales, des installations, des affiches ou encore des créations multimédia.
Il s’agit maintenant de prendre l’exemple d’une des réalisations de Jordan Seiler 8 créée dans le cadre du festival de 2017, Collisions. Il s’agit d’une critique du discours publicitaire et de la place qu’il prend dans l’espace public. Cette critique s’accompagne d’une proposition alternative aux éléments scripto-visuels commerciaux qu’il a développée dans Besançon, afin de se libérer de ces derniers.
L’artiste a mis en place une série d’affiches présentant des motifs en noir et blanc déclinée dans la ville. Il est venu lui-même retirer les affiches publicitaires initialement présentes dans les panneaux d’affichage afin de les remplacer par ses affiches. Cet acte est démonstratif de son opinion et donne un caractère revendicateur à son œuvre.
Jordan Seiler, Collisions , juin 2017, affichages, performance. Bien Urbain 7, Besançon.
Photos : Élisa Murcia-Artengo
Ses affiches sont composées d’une répétition d’éléments visuels géométriques tels que des cercles, rayures et stries qui forment des motifs abstraits et qui donnent l’impression d’une certaine neutralité. Cette impression est renforcée par une absence de gestuelle et de profondeur, il s’agit d’une répétition de formes vectorielles en aplats noirs et blancs, marquant ainsi un caractère impersonnel. Il est possible d’émettre l’hypothèse selon laquelle l’artiste à travers cette neutralité propose de s’éloigner des codes des affiches commerciales et ainsi, de faire une pause dans notre quotidien visuel, il n’y a pas besoin d’analyser ces affiches, il s’agit seulement de motifs qui valent pour eux-mêmes. De même, le fait qu’il n’y ait pas de texte et donc pas de message direct rentre en opposition avec les affiches publicitaires, il n’est pas question de décrypter un slogan, une signature (logo ou autres signes d’appartenance à une marque). Cependant, un élément est commun à ces affiches et aux publicités : l’impact visuel. En effet, l’alternance d’une même forme noire sur un fond blanc, instaure un rythme, une vibration qui contraste avec l’espace dans lequel l’image est présente. Le contraste est renforcé par le cadrage en hors-champ des motifs, ainsi, ces visuels ne peuvent laisser indifférent malgré leur neutralité, ils invitent à se questionner sur la place des images publicitaires dans l’espace commun.
Ainsi, pour cet artiste, inscrire l’art dans l’espace public est légitime, car il permet d’interroger les habitants sur ce qu’ils veulent voir apparaître dans leur expérience du quotidien. C’est une proposition de « brèche visuelle 9 » et de nouvelle lecture des espaces, censée apporter une certaine forme de liberté. Cependant, le fait que cette œuvre et celles inscrites dans le cadre du festival Bien Urbain soient autorisées à être réalisées n’annihile-t-il pas le caractère libre et parfois contestataire revendiqué ? Ces images, ne remplaceraient-elles pas une forme de spectacle par une autre ?