Sommaire

3.
Les éléments
scripto-visuels
alternatifs

Diversité des formes
et techniques

J’entends par éléments scripto-visuels alternatifs, toutes les formes alliant textes et images, déposées la plupart du temps illégalement dans l’espace commun, il se place donc généralement en éléments contestataires et sont souvent considérés comme acte de vandalisme. La rue est ainsi utilisée comme espace d’expression libre, l’individu affirme sa liberté face aux interdictions des pouvoirs publics et répond dans certains cas à l’hégémonie publicitaire. Ces actes sont effectués par des passants, des personnes fréquentant ces lieux ou des graffeurs.

Je prendrai à nouveau comme référence les cinq dimensions de l’habiter, pour caractériser les zones et ainsi, contextualiser les objets textes-images observés : se loger, travailler, se cultiver, se divertir et consommer.

[1] Rue des Granges : dimension commerciale
(magasins et restaurants-cafés tout le long de la rue : Sephora, Galeries Lafayette, KFC, Tokyo Sushi…), au cœur de La Boucle, rue réservée essentiellement aux piétons et aux cycles (semi-piétonnes)
[1] Rue des Granges : dimension commerciale
(magasins et restaurants-cafés tout le long de la rue : Sephora, Galeries Lafayette, KFC, Tokyo Sushi…), au cœur de La Boucle, rue réservée essentiellement aux piétons et aux cycles (semi-piétonnes)
[2] Rue Général Lecourbe : dimension plutôt résidentielle
(seulement quelques magasins et deux hôtels, principalement des habitations), extrémité Sud de La Boucle, partagée par les piétons, cycles et automobiliste (voie à sens unique)
[2] Rue Général Lecourbe : dimension plutôt résidentielle
(seulement quelques magasins et deux hôtels, principalement des habitations), extrémité Sud de La Boucle, partagée par les piétons, cycles et automobiliste (voie à sens unique)
[3] Rue Mayence : dimension résidentielle
(principalement des habitations), périphérie Nord-ouest de La Boucle, rue piétonne
[3] Rue Mayence : dimension résidentielle
(principalement des habitations), périphérie Nord-ouest de La Boucle, rue piétonne
[4] Rue Mégevand : dimension plutôt culturelle
(UFR SLHS, Les 2 scènes Théâtre Ledoux), au centre de La Boucle, rue partagée par les piétons, cycles et automobilistes
[4] Rue Mégevand : dimension plutôt culturelle
(UFR SLHS, Les 2 scènes Théâtre Ledoux), au centre de La Boucle, rue partagée par les piétons, cycles et automobilistes
[5] Avenue Charles Siffer : dimension plutôt de travail
(croisement grands axes routiers, voie urbaine pour se rendre sur lieu de travail), périphérie Nord-ouest de La Boucle, avenue partagée par les piétons, cycles et automobilistes
[5] Avenue Charles Siffer : dimension plutôt de travail
(croisement grands axes routiers, voie urbaine pour se rendre sur lieu de travail), périphérie Nord-ouest de La Boucle, avenue partagée par les piétons, cycles et automobilistes
[6] Parc de la Gare d’Eau : dimension de loisir et occasionnellement de divertissement
(promenade, bancs, jeux pour enfants), extrémité Sud-ouest de La Boucle, parc réservé aux piétons et aux cycles
[6] Parc de la Gare d’Eau : dimension de loisir et occasionnellement de divertissement
(promenade, bancs, jeux pour enfants), extrémité Sud-ouest de La Boucle, parc réservé aux piétons et aux cycles
[7] Skatepark Chamars : dimension de loisir et de divertissement
(lieu pour les adeptes de skate), extrémité Sud-ouest de La Boucle, parc réservé aux skaters et piétons
[7] Skatepark Chamars : dimension de loisir et de divertissement
(lieu pour les adeptes de skate), extrémité Sud-ouest de La Boucle, parc réservé aux skaters et piétons
[8] Rue Général Lecourbe : dimension plutôt résidentielle
(seulement quelques magasins et hôtels, principalement des habitations), extrémité Sud de La Boucle, rue partagée par les piétons, cycles et automobilistes (voie à sens unique)
[8] Rue Général Lecourbe : dimension plutôt résidentielle
(seulement quelques magasins et hôtels, principalement des habitations), extrémité Sud de La Boucle, rue partagée par les piétons, cycles et automobilistes (voie à sens unique)
[9] Parc Chamars : dimension de loisir et occasionnellement de divertissement
(promenade, bancs), extrémité Sud-ouest de La Boucle, parc réservé aux piétons et aux cycles
[9] Parc Chamars : dimension de loisir et occasionnellement de divertissement
(promenade, bancs), extrémité Sud-ouest de La Boucle, parc réservé aux piétons et aux cycles
[10] Rue Battant : dimension commerciale
(magasins et restaurant-cafés tout le long de la rue : Pianos Gaëtan Leroux, Planet Game, Frip n’Wood, restaurant A.Boulu, Al.Feddane…)
[10] Rue Battant : dimension commerciale
(magasins et restaurant-cafés tout le long de la rue : Pianos Gaëtan Leroux, Planet Game, Frip n’Wood, restaurant A.Boulu, Al.Feddane…)
[11] Square Granvelle : dimension de loisir et occasionnellement de divertissement
(bancs, jeux pour enfants, kiosque à musique), au centre de La Boucle, square réservé aux piétons et aux cycles
[11] Square Granvelle : dimension de loisir et occasionnellement de divertissement
(bancs, jeux pour enfants, kiosque à musique), au centre de La Boucle, square réservé aux piétons et aux cycles



Les formes textes-images alternatives, sont réparties dans la plupart des zones de la ville de manière hétérogène. En effet, elles sont parfois très peu nombreuses et de petit format, c’est le cas de la plupart des zones à dimension commerciale [1], certains éléments scripto-visuels tel que des tags et autocollants apparaissent sur des murs, des descentes d’eau pluviale mais se mêlent et disparaissent derrière la quantité d’images commerciales. De plus, dans ces milieux, il existe une forme de censure, ces éléments sont donc souvent effacés, retirés par les autorités publiques.

10 Il paraît important de préciser les définitions des mots « graffiti » et « tag ». Le dictionnaire Larousse et le CNTRL considèrent les graffitis comme des inscriptions ou dessins « griffonnés » sur des murs, des parois et des monuments publics. Les tags sont eux définis comme une partie des graffitis qui s’apparentent à l’écriture et qui constituent un signe de reconnaissance. Cependant, dans la culture du graffiti, les graffitis et tags sont deux choses distinctes, le graffiti étant une œuvre à part entière, qui contrairement aux tags nécessitent plus de technique artistique et de temps. Les tags sont quant à eux considérés comme des signatures. Ainsi, pour cette étude, afin de différencier ces différents genres, il s’agit d’utiliser les mots « graffitis » et « tags » tels que définis dans le cadre de la culture graffiti.

Cependant, il existe des exceptions, dans certaines rues commerciales comme la rue Battant [10], une variété d’éléments scripto-visuels alternatifs sont largement présents : tags, graffitis 10 , autocollants, affiches sauvages, inscriptions et dessins griffonnés. Ils apparaissent sur des panneaux de signalisation, des anciennes vitrines, des portes et autre support urbain, ce sont donc des supports d’affichages non-conventionnels. Le quartier Battant est qualifié de « populaire » du fait de ces petits commerces et de ces habitants appartenant à des groupes de populations diverses du point de vue de leur origine sociale, ethnique et de leur âge. Ainsi, il paraît possible d’émettre l’hypothèse selon laquelle c’est dans les milieux les plus « populaires », là où les formes d’inégalité sont les plus marqués qu’il est possible de retrouver ce genre d’éléments scripto-visuels en raison de leur caractère revendicateur.

10 Il paraît important de préciser les définitions des mots « graffiti » et « tag ». Le dictionnaire Larousse et le CNTRL considèrent les graffitis comme des inscriptions ou dessins « griffonnés » sur des murs, des parois et des monuments publics. Les tags sont eux définis comme une partie des graffitis qui s’apparentent à l’écriture et qui constituent un signe de reconnaissance. Cependant, dans la culture du graffiti, les graffitis et tags sont deux choses distinctes, le graffiti étant une œuvre à part entière, qui contrairement aux tags nécessitent plus de technique artistique et de temps. Les tags sont quant à eux considérés comme des signatures. Ainsi, pour cette étude, afin de différencier ces différents genres, il s’agit d’utiliser les mots « graffitis » et « tags » tels que définis dans le cadre de la culture graffiti.

Ces mêmes formes texte-images apparaissent aussi dans les zones d’habitations, de travail et de culture. Cependant, ils sont présents en plus faible quantité et plus dispersés dans l’espace [2]/[3]/[4]/[5]. Ceci est dû en partie à leur illégalité [9].

Ainsi, ces signes se retrouvent concentrés dans des zones bien particulières comme dans les skate-parks où la majorité des surfaces sont recouvertes par des tags et graffitis [7]. Cela s’explique d’abord par le fait que les pouvoirs publics sont plus tolérants dans ces lieux étant donné qu’il devient trop coûteux pour eux de les faire recouvrir. Cela s’explique aussi par le fait que la culture du graffiti se lie à celles du skate et du Hip Hop, du fait de leurs pratiques qui viennent en opposition à la culture instituée, se plaçant ainsi en contre-culture.

Enfin, les éléments scripto-visuels alternatifs se trouvent aussi dans les zones de divertissement telles que les parcs [6], où ils recouvrent parfois des signes existants, souvent institutionnels comme les panneaux directionnels.

11 Le mot « tag » est à l’origine un mot anglais qui signifie insigne ou étiquette et comme verbe, il désigne l’action d’étiqueter. Ainsi, apposer son tag, c’est inscrire sa marque, laisser une trace et donc manifester son existence.

Ces éléments scripto-visuels ont des modes de représentations et des formats qui diffèrent en fonction de leur émetteur. Les tags [5]/[9]/[10] sont généralement formés d’un trait gestuel en monochrome, qui constitue une signature ou un pseudonyme. Un même tag est répété de nombreuses fois dans différents espaces urbains et est souvent juxtaposé à d’autres tags 11 . Ces signes sont réalisés à la peinture en aérosol ou au marqueur, étant donné que ces techniques sont rapides à utiliser. Les personnes qui taguent sont nommées des tagueurs et sont anonymes aux yeux du grand public.

11 Le mot « tag » est à l’origine un mot anglais qui signifie insigne ou étiquette et comme verbe, il désigne l’action d’étiqueter. Ainsi, apposer son tag, c’est inscrire sa marque, laisser une trace et donc manifester son existence.

Les graffitis [2]/[3]/[7] sont quant à eux généralement peints à la peinture aérosol, acrylique, latex ou au rouleau à peinture, mais de manière plus complexe, ils ne se composent pas seulement d’un trait, mais de formes colorées. La plupart du temps, ces images sont composées d’écriture avec des variations de lettrage. Les graffeurs viennent apposer leurs créations sur des supports urbains vierges ou sur des réalisations déjà existantes. Ainsi, ces formes ont un caractère éphémère, car elles disparaissent par l’action d’autres graffeurs ou par celle des autorités publiques. Les graffitis sont souvent de grand format et recouvrent parfois entièrement des surfaces ce qui leur donne un caractère monumental.

12 Le caractère commercial des autocollants et affiches sauvages est particulier car ces supports sont généralement diffusés par des organisations lucratives, mais ne sont pas forcément fixés et affichés par ces dernières.

Les autocollants et affiches [4]/[5]/[6]/[7]/[10] qui sont fixés « sauvagement » dans l’espace public ont une particularité, car ils ont souvent une dimension commerciale, puisqu’ils sont émis pour des événements et par des services ou organisations lucratifs 12 (ex [6], autocollant pour les services d’un graphiste). Cependant, il convient de les classer dans les éléments scripto-visuels alternatifs étant donné leur illégalité et vis-à-vis de leurs modes d’affichage non-normés se référant au champ alternatif. Ils sont affichés dans l’espace de manière décentrés, asymétriques et superposés, ce qui rentre en opposition avec l’affichage exercé par les entités commerciales et les institutions.

12 Le caractère commercial des autocollants et affiches sauvages est particulier car ces supports sont généralement diffusés par des organisations lucratives, mais ne sont pas forcément fixés et affichés par ces dernières.

Il est possible d’observer l’utilisation de pochoirs [8] mais de manière plus rare.

Enfin, des inscriptions griffonnées sous forme de texte ou de dessins [11] sont aussi visibles sur certains supports urbains, il s’agit de signes réalisés par des individus n’appartenant pas forcément à la culture du graffiti ou à des organisations définies, mais plutôt d’individus anonymes. Ces inscriptions sont effectuées au marqueur, stylo et sont parfois même gravées. Il est possible d’émettre l’hypothèse que ces signes servent à manifester la trace d’un souvenir passé dans cet espace urbain.

Ainsi, les éléments scripto-visuels alternatifs s’écartent des normes, se différencient entre eux par leurs émetteurs et parfois par les techniques utilisées.

L’espace public
comme le mémoriel
d’une humanité

13 Région autonome des transports parisiens (RATP) : établissement public assurant l’exploitation d’une partie des transports en commun de Paris et de sa banlieue.

14 Les graffeurs vandales réalisent des graffitis sauvages, autrement dit illégaux.

15 Le graffiti étant une forme d’expression, il en existe différentes pratiques, certains l’utilisent à des fins de revendication contre les marques, les institutions, d’autres le vivent comme un certain mode de vie. Il peut être illégal ou non lorsqu’il est inscrit sur des supports d’expression libre en ville (murs, ou surfaces prévues à cet effet par les institutions publiques). C’est dans son caractère vandale qu’il se différencie du Street art (art du graffiti institutionnalisé ou en relation avec des marques). C’est aussi une culture, il y a des codes qui régissent cette pratique et qui véhiculent des valeurs.

16 Un crew est un groupe de graffeur.

17 Le lettrage est « l’usage de lettres dessinées. Ce sont des lettres dont les parties significatives ont été faites d’après plusieurs traits ». Livre : Les Contrepoinçons, Fred Smeijers (typographe néerlandais contemporain), novembre 2014

18 La calligraphie c’est lorsque « l’on fait chaque lettre avec notre main (ou une autre partie du corps) et lorsque chaque partie significative de la lettre est faite d’un seul trait ». Livre : Les Contrepoinçons, Fred Smeijers, novembre 2014

19 Le blaze est le nom qu’un graffeur se donne.

20 « Représenter, c’est rendre présent l’absent. » Livre : Vie et mort de l’image, Régis Debray, 1992

21 Le métro comme territoire : à l’articulation entre l’espace public et l’espace familier, Marion Tillous, Flux, 2016

Il sera question d’analyser un graffiti de SEGA, ancien graffeur d’île de France des années 2005-2010, arrêté à la suite de ces nombreux graffitis et tags réalisés entre autres à la RATP 13 et considéré comme graffeur vandale 14 . Cet exemple permettra d’observer plus particulièrement l’une des pratiques du graffiti 15 et son essence qui en fait l’un des éléments scripto-visuels alternatif constitutif de l’espace public.

13 Région autonome des transports parisiens (RATP) : établissement public assurant l’exploitation d’une partie des transports en commun de Paris et de sa banlieue.

14 Les graffeurs vandales réalisent des graffitis sauvages, autrement dit illégaux.

15 Le graffiti étant une forme d’expression, il en existe différentes pratiques, certains l’utilisent à des fins de revendication contre les marques, les institutions, d’autres le vivent comme un certain mode de vie. Il peut être illégal ou non lorsqu’il est inscrit sur des supports d’expression libre en ville (murs, ou surfaces prévues à cet effet par les institutions publiques). C’est dans son caractère vandale qu’il se différencie du Street art (art du graffiti institutionnalisé ou en relation avec des marques). C’est aussi une culture, il y a des codes qui régissent cette pratique et qui véhiculent des valeurs.

Ce graffiti a été peint en 2005 par SEGA et SAM, deux graffeurs appartenant au crew 16 FXP sur la partie basse de la façade d’un wagon du métro parisien. Il s’agit d’un élément scripto-visuel composé de lettrage 17 mais aussi de calligraphie 18 et de quelques formes circulaires en monochrome mauve.

16 Un crew est un groupe de graffeur.

17 Le lettrage est « l’usage de lettres dessinées. Ce sont des lettres dont les parties significatives ont été faites d’après plusieurs traits ». Livre : Les Contrepoinçons, Fred Smeijers (typographe néerlandais contemporain), novembre 2014

18 La calligraphie c’est lorsque « l’on fait chaque lettre avec notre main (ou une autre partie du corps) et lorsque chaque partie significative de la lettre est faite d’un seul trait ». Livre : Les Contrepoinçons, Fred Smeijers, novembre 2014

SEGA et SAM, « Sans titre », 2005, peinture aérosol. Régie autonome des transports parisiens (RATP).
Photo : Anubis, 2006.

Ces éléments forment un tout qui se nomme pièce dans le milieu du graffiti. Elle est inscrite sur un support particulier, en effet, le fait de l’avoir réalisée sur un wagon de métro implique le fait qu’elle se déplace. Cela signifie qu’elle sera visible par un grand nombre de personnes. Les tracés ne sont pas adaptés au support dans le sens où la technique employée et les formes ne changent pas en fonction de la matérialité du support, ils sont appliqués, superposés de la même manière. Ainsi, il semble que ce support particulier soit exploité essentiellement pour son contexte de visibilité.

À travers cette œuvre, il y a aussi la notion de trace et d’empreinte, en effet, le lettrage constitue le blaze 19 de l’un des deux graffeurs : « SEGA ». La date de réalisation, « 2005 », a aussi été calligraphiée. Dans une interview le graffeur SEGA, expliquait le sens d’inscrire cette information. Selon lui, elle sert à la contextualisation du graffiti par les passants, mais aussi pour se souvenir lui-même de la date de sa création. Il est donc bien question de laisser sa trace, de chercher la visibilité et de manifester son existence. Il se confiait sur sa vision du graffiti, « Le graffiti, c’est la promotion de soi-même. Tu recherches la fame, les murs qui sont les plus vus, là où " ça paye " », ainsi, les endroits généralement plus recherchés par les graffeurs, sont les endroits les plus regardés. La ville devient alors un mémoriel, où il est question de s’approprier un lieu, de laisser des traces de moments passés et de rendre présent l’absent 20 .

19 Le blaze est le nom qu’un graffeur se donne.

20 « Représenter, c’est rendre présent l’absent. » Livre : Vie et mort de l’image, Régis Debray, 1992

Il y a aussi la notion de gestuelle, en effet, sur certaines parties du graffiti, il y a les empreintes d’un geste, la calligraphie en témoigne aussi. Le fait que l’œuvre soit directement peinte sur un support urbain implique une certaine proximité avec les passants. Ils sont en contact direct avec elle, elle est tangible. Ces éléments la placent en opposition avec les éléments scripto-visuels commerciaux et institutionnels qui sont souvent froids et distants dans le sens où il est rare d’observer dans leurs compositions une expressivité du geste. Les graffitis sont empreints d’une humanité qui contraste souvent avec le lieu où ils s’inscrivent, c’est le cas de celui-ci. En effet, le métro parisien est « souvent considéré, dans les représentations courantes comme dans les discours fictionnels, comme un univers dépourvu de toute humanité 21  », cet espace public retrouve ainsi une forme de vitalité.

21 Le métro comme territoire : à l’articulation entre l’espace public et l’espace familier, Marion Tillous, Flux, 2016

Le graffiti concourt donc à modifier la perception des gens sur leur environnement, il transforme les objets sur lesquels il est inscrit, il interroge les citoyens sur ce qu’ils veulent voir dans leur quotidien et questionne la liberté d’expression. Apposer des images sans autorisation dans l’espace commun, c’est en quelque sorte affirmer le droit de s’exprimer librement, dans un espace urbain où l’expression est majoritairement détenue par les commerces et institutions. Certes, il existe des panneaux et colonnes d’affichage libres qui permettent aux individus de s’exprimer librement, mais ces espaces sont utilisés là encore par des organisations commerciales, pourtant, il ne semble pas y avoir de répression à leur encontre et ces supports ne sont souvent pas connus des citoyens.